Vert une couleur ineffable #1

Comment nommer la couleur verte ? C’est celle qu’il y a le plus dans la nature. La couleur que tout le monde est censé, je pense, avoir vue sur la planète entière. Mais est-ce vraiment le cas ?

Pendant longtemps il n’y a pas de couleur pour départager le bleu du vert. C’est le même mot en breton “glaas”. “bleuvert”

L’eau est verte, l’eau est bleu. Selon la réflexion de la lumière, du ciel, des arbres alentours.

Les lacs sont verts. La mer est verte mais même sans arbre alentour, juste avec la lumière et la couleur du ciel  et une percée de soleil. Elle devient vert émeraude, surtout au large de l’Irlande. En Normandie par vent fort. En Bretagne, elle est turquoise, comme en Polynésie, la chaleur en moins.

L’eau est longtemps de couleur verte dans la vision des peintres. La mer est violette en méditerranée. Indéfinissable ailleurs comme en Bretagne. L’œil ne fait pas la différence entre bleu et vert. Pourtant elle est souvent grise. Je me suis même fait la réflexion qu’en Normandie, au large du Raz Blanchard, la mer est grise et le ciel est blanc, donnant à la mer son côté lactescent du “Bateau Ivre” de Rimbaud.

Alors j’ai lu le livre “Vert, histoire d’une couleur”de Michel Pastoureau, après l’avoir écouté parler des couleurs sur France Inter ou France culture. Je ne sais plus. J’aime beaucoup cet auteur avec Annie Mollard Desfour et ses dictionnaires des mots nés des couleurs. Elle dit :” Les mots et expressions de couleur sont autant de témoignages de la sensibilité sociale d’une époque, d’une culture, de nos mentalités. C’est cet aspect qui me passionne : le lexique de la couleur comme reflet des usages, et des valeurs symboliques.

https://www.annie-mollard-desfour.com/

C’est également la pensée de Michel Pastoureau. Et ce que je pense aussi.

Oser porter du vert, surtout si on est artiste et comédienne… ouh la c’est comme en mer, il y a des mots à ne pas prononcer sous peine d’être jeté par dessus bord. Mais même la couleur verte y est interdite entre le 17e et le 19e siècle. Elle attirerait la foudre et l’orage. A tel point que Colbert, en 1673, fait détruire tout navire vert. La couleur est bannit des armoiries. Louis XIV en interdit le port dans les régiments. Richelieu la déteste et affirme qu’elle porte malheur.

D’où vient cette superstition du vert ? Eh bien c’est une couleur qu’il était difficile d’obtenir. Le mélange jaune et bleu n’est pas au point. Les teinturiers se battent pour les licences de couleur et on ne mélange pas. Soit ils ont la licence pour réaliser du bleu, soit celle pour réaliser le jaune, mais jamais une double licence. Et la coproduction… c’est pas gagné.

Quand on arrive à teindre du vert, il ne dure pas dans le temps. Devient grisonnant. Une couleur dont on ne raffole pas. Un peu comme le jaune à ses débuts. “Oh c’est glauque”

Pas facile de l’extraire du végétal et de le fixer. On utilise l’ortie, les fougères, le plantain, les feuilles de frêne, l’écorce de bouleau.

Alors on le peint. On peint les vêtements au lieu de les teindre. Et cette peinture est composée d’un composant chimique toxique. Mais ça on ne le sait pas encore. Alors les personnes qui portent du vert meurent… intoxiqué par l’air du vert. Manque de chance…. ce sont les comédiens habillé de vert pour représenter la fourberie de leur personnage.

Aujourd’hui plus de danger, mais la superstition est restée. Il faut beaucoup de courage pour porter du vert face à certains artistes.

Il parait que Kandinsky déteste la couleur verte.

Mondrian ne l’utilise pas non plus.

Barnett Newman nous demande qui a peur du rouge, du bleu, du jaune. Hum et pourquoi pas du vert ? Non c’est vrai, faut pas dire le nom non plus peut-être.

Je ne peux m’empêcher de penser au Bleu Klein. Yves Klein a bien du peindre des monochromes vert, mais je n’en n’ai pas le souvenir lors de l’exposition que lui a consacré le Centre Georges Pompidou à Beaubourg. Je me souviens de ce pigment bleu et de sa vibration. Mais d’avoir croisé du vert ? Non, je ne m’en souviens pas.

Si je pense à Sol Lewitt, je pense à ses compositions de couleurs dont le vert vient harmonieusement peindre l’ensemble.

Moi, je peins Tribord ou tricot vert. Ce vert qui nous dit où est la droite. Qui nous donne le feu vert pour aller de l’avant. Ce vert créée pour la mer, pour les navires et qui s’est transporté à terre pour les trains, les voitures, les piétons. Vert c’est la couleur de la permission. Greencard, cela vous parle de quelque chose?

En 1868, à Londres, une lanterne à gaz pivotante est installée pour produire une lumière verte et rouge. Elle est actionnée par un gardien. Ce système sera mis en place aux Etats-Unis en 1912 à Salt Lake city, en 1914 à Clevland, en 1918 à New York, à Paris en 1923 et en 1924 à Berlin.

J’aime le chercher avec toutes sortes de bleus et toutes sortes de jaunes. Avec du bleu de prusse, du bleu phtalo, les verts sont frais. Mais il faut le bon jaune. C’est une partition sans fin à explorer dans ses chromatismes. Une sorte de gamme. Vert majeur. A moi de trouver le nom de ces mélanges. A moi ? A nous.

Trouver comment les classer en Vert mineur et Vert majeur. Avec des bémols et avec des dièses. Cela serait-il possible de faire cette comparaison musicale du vert ? Et à l’inverse ? Quelle serait la tonalité du vert ?

Comment jouer le vert ?  En attendant c’est bien la gamme majeur que je préfère, en musique comme en peinture. Même si le La, si beau, est mineur et tout à la fois majeur. Ce qui lui donne cette splendeur.

Vert serait il comme ce La ? A la fois mineur et majeur ? Qui serait à la lisière des deux tons et les deux à la fois. La semble pourtant bleu. Le fils d’une amie qui joue du piano voit le vert comme le sol.

Je ne vais pas m’amuser à faire cette traduction, car ce n’est pas mon objectif. Mais elle s’imposera sans doute d’elle même.  Un dégradé de vert en Ré majeur. Un dégradé de vert, obtenu avec du bleu de prusse et de jaune primaire pour un vert majeur prusse.

Je me souviens de ces petits carrés que je réalisais enfant avec toutes les couleurs. Puis avec tous les verts à inventer. Comme les verts des feuilles, les verts qui changent avec la lumière et l’éclairage.

 

 

 

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