Comprendre l’espace de navigation

Lorsque j’ai appris à naviguer, il a fallut comprendre comment gérer l’espace maritime du vent. « Marcher »en mer c’est, en effet, savoir s’approprier le vent, s’avoir comment l’utiliser. Il a fallut que je m’adapte aux mouvements du voilier, ainsi que mon estomac.

Le départ fut un peu laborieux, car il a fallut aussi apprendre une nouvelle langue. Comprendre le réglage des voiles. Cela n’a pas été chose évidente pour la terrienne que je suis. Apprendre tous les mots et les réglages que le corps accompagne. Le mouvement entre la barre et les voiles. Ne pas perdre mon orientation au virement de bord ou l’empannage. Souvent, je ne savais plus où j’étais car cela va très vite et je ne voyais plus les mêmes choses dans la rade.

C’est en lisant le livre des Glénan, à l’aide de multiples croquis que j’ai finis par comprendre cet espace. Comprendre comment la physique fonctionne, actionne le voilier.

J’ai commencé par apprendre les allures, du près au portant. Sur les conseils de navigateurs, j’ai commencé mon apprentissage sur un 420. Ils m’ont dit que les sensations sont mieux ressenties, ce qui permet d’acquérir un meilleur sens marin. Avec le temps, il m’a semblé en effet voir les différences entre mon ressenti sur les voiliers en venant du 420 et celui des filles qui n’avaient jamais fait de dériveurs, mais toujours du voilier de croisière. Par contre, lorsque je suis passée sur un voilier de croisière , il m’a fallut apprendre à oublier qu’un dériveur désale vite à la moindre erreur, d’où le fait que l’on apprend beaucoup sur ces petits voiliers.

Pour cela, le moniteur m’a laissé à la barre, au près les yeux fermés pour comprendre et saisir chaque mouvement du voilier et voir qu’au près le voilier fait tout de lui même. Pour mieux comprendre, je devais fermer les yeux et seulement poser ma main sur la barre pour sentir les actions du moniteurs avec les mouvements du voilier.

Mais il me restait un peu d’appréhension, alors au près, il a fixé la barre avec un bout(e) pendant que j’étais assise au rappel et il rentré dans le bateau. Au début, j’étais un peu stressée à chaque mouvement de gîte, mais peu à peu ma tension est tombée et j’ai vu le voilier faire ce qu’il fallait automatiquement. J’ai repris confiance et compris.

Apprendre à naviguer, apprendre à me tenir dans l’espace, apprendre qu’à la gîte, on ne va pas chavirer. Gérer mon vertige à la gîte.

En mer ça bouge tout le temps mais c’est plus rassurant que l’autoroute en voiture, pour moi en tout cas. Je m’y sens plus à l’aise, les dangers, et il y en a, ne sont pas les mêmes.

Je me souviens de cette première sortie en mer, où je voulais tout lâcher, Paris, et le métro, mes études en arts pour n’être que sur l’eau. Les moniteurs de voiles étaient partagés. Certains me disaient : »vas y fonce ». D’autres e disaient : » attend un peu, là ça t’a plu, mais il faut y aller quand il fait froid, qu’il pleut. en dériveur tu as de l’eau jusqu’à la taille pour monter dans le bateau ». Navigue en parallèle de tes études avant.

Hum que faire ? Encore changer de cap ? J’ai commencé par le théâtre pour bifurquer en arts plastiques pour pouvoir obtenir une licence d’enseignement. Est-ce vraiment ma voie ?

J’ai passé de nombreux week-end à Cherbourg pour naviguer et revenir sur les bancs de la fac le lundi, mais à la fin je ne tenais plus. En train peut-être, en voiture, non. Trop physique. Alors j’ai navigué autour de Paris sur ses lacs.

SEA WAY what does it mean ?

La route, en mer, c’est d’abord la « direction du navire dont la marche est prescrite par le commandant et sur laquelle le timonier gouverne, ou dont il se rapproche le plus si le vent ne lui permet d’y gouverner1. » La route est la longueur du chemin parcouru ou à parcourir dans un temps donné. « Se mettre en route », ce n’est pas démarrer mais « commencer à suivre un cap désiré ». Le navire est en route quand le vent lui permet de gouverner selon le cap désiré. « En route » est le commandement donné au timonier de gouverner au cap désiré. « Donner la route » signifie indiquer le cap à suivre. On « remet en route » si les vents ne sont pas favorables. Le chemin serait alors la route surface, la méthode, et la voie s’apparenterait à la route de fond, l’itinéraire suivi.

1 Dictionnaire des mots nés de la mer, les termes issus du langage maritime, par Pol Corvez, éd. du Chasse-Marée,

Douarnenez, 2007, p. 302

La route en mer, y cheminer, les caps pour définir sa position

Lorsque j’ai passé mon permis hauturier, je n’avais encore jamais navigué. Je venais d’obtenir le permis côtier en 1998 et je me confrontais alors au permis pour la haute mer. Une carte et ses pictogrammes, ses abréviations, partir d’un point A pour arriver à un point B sans atterrir ou amerrir ailleurs. Il a fallut que j’apprenne de savants calculs.

Le cap vrai et le cap compas, le cap magnétique

La déclinaison et la Déviation

Cv = Cc + d + D

Cc = Cv – d – D

Le Nord Compas est différent du Nord vrai. Il faut alors faire ces savants calculs pour trouver le Nord Vrai, le nord géographique et donc le cap vrai du voilier.

Cc – d – Cm – D= Cv

Cv = Cc + d+D

Cc= Cv – d- D

CcCap compas: le compas donne le cap du navire par rapport au « Nord compas »
attention: le « Nord compas » diffère du « Nord magnétique », voir déviation (d)
ddéviation: la déviation est la différence angulaire entre la « Nord compas » et le « Nord magnétique ». Cette différence est due à l’influence des différentes masses métalliques du navire
Important: la déviation varie avec le Cap du navire. Elle est positive si Cap à l’Est (E) et négative si Cap à l’ouest (W) (voir la courbe).
Cm

Cap magnétique (Nord magnétique): il n’apparait que dans les calculs (pas sur les cartes).
La différence entre Cap magnétique et Cap compas est égale à la déviation (d)
D
Déclinaison: différence angulaire entre le « Nord magnétique » et le « Nord vrai » (nord géographique des cartes). La déclinaison varie dans le temps et en fonction du lieu géographique (voir les cartes)
La déclinaison est « négative » si le Nord magnétique se trouve à gauche (W) du Nord vrai: cas de la France métropolitaine (environ -4° W). Elle est « positive » si le Nord magnétique se trouve à droite (E) du Nord vrai. Elle décroit annuellement en France de 7′ (E). Elle est indiquée sur les cartes marines.
WVariation: somme algébrique de la déviation (d) et de la Déclinaison (D). Elle permet de passer du Cap compas (Cc) au Cap vrai (Cv)
W = d+ D et aussi: W = Zv – Zc ou encore W = Cv – Cc
CvCap vrai: angle entre la direction du Nord vrai des cartes marines et l’axe du navire, dans le sens des aiguilles d’une montre
Cv = Cc + W et aussi: Cv = ZvGis
ZcRelèvement compas: angle entre le Nord compas et la direction d’un Amer, dans le sens des aiguilles d’une montre, voir ci-dessous
Zc = Cc + Gis
ZvRelèvement vrai: angle entre le Nord vrai (carte) et la direction d’un Amer, dans le sens des aiguilles d’une montre
Zv = Zc + W et aussi: Zv = Cv + Gis. Pour passer du gisement d’un point (Gis) à son relèvement (Zv), il suffit d’y ajouter le Cap vrai (Cv)
GisGisement: angle formé par l’axe du navire et celle d’un point (amer ou autre embarcation), dans le sens des aiguilles d’une montre
Gis = ZvCv. Il permet de situer un point par rapport à l’axe du navire
 Alignement: droite passant par 2 amers visibles de la mer
Suivre un alignement consiste à placer son navire sur cette droite. Exemple: clocher, Tour, etc.

http://www.reussir-permis-bateau.fr/test-permis-hauturier/p_h_caps/index.html

Je me suis un peu court-circuité les synapses pour cette première étape.

Puis il a fallut apprendre la route de fond, celle que trace vraiment le voilier si il tirait son ancre dans le sable. S’adapter à la route surface pour compenser la déviation du aux courants et aux vents.

Ainsi si je fais cap au 180, le courant peut me porter au 185 et le vent au 190 et donc, je loupe ma destination.

Alors il faut compenser et faire un cap au 170 pour arriver sur zone. Contrer le courant qui nous pousse. Si par exemple le courant nous dévie sur la droite , on le contre en allant sur la gauche pur compenser la perte.

Il faut apprendre à repérer trois points à terre, faire la somme de ces trois points en les croisant par des droites et se retrouver un centre d’un triangle pour avoir sa position.

Ceci bien que très complexe est très passionnant.

je navigue alors dans l’espace de la cartographie.

Route ou chemin pour naviguer

photo prise à bord de la Bisquine la Granvillaise en route pour les îles Chausey

Hodos, étude des routes et des voyages. Je commencerai alors par ce mot qui renvoie à l’exode et à la méthode. Comment cheminer, comment notre appréhension du chemin, notre manière de l’arpenter nous influence sur l’image que nous avons du chemin. Quel impact le chemin a t il sur nous et quel impact avons nous sur le chemin ? Comment le dessiner. Quelle influence avons nous sur la mer ? Certes nous ne pouvons la transformer comme des chemins que l’on structure à terre, des paysage que l’on modifie pour y installer des routes, des maisons, des administrations, des panneaux signalétique.

La mer échappe à une structure et heureusement. Mais l’humain y a son impact. Impact par la pollution qui modifie son espace. Impact sur le climat et le monde qui y vit. Impact sur sa structure avec les réseaux téléphoniques, les sondes indiquées sur les cartes marines. Impact avec les bateaux et les immeubles flottants, les yachts, … La mer change le paysage terrestre.

Je me suis interrogée sur l’étymologie des mots route et voyage, route et chemin. J’ai découvert que la route est un mot créée pour parler du voyage terrestre à cheval. Le longue route de Moitessier me vient alors à l’esprit sur son voilier. Qu’est-ce que la route en mer ? Une route qui bouge, se forme, nous emmène, une route flottante. Comment alors ne pas penser à Florence.

Dans son livre « La Mer », Jules Michelet écrit qu’il convient de commencer toute géographie par la mer. La mer et sa chorégraphie, son chorus. Je relis John Brinkerhoff Jackson pour relier les mots à la mer. Je relie l’auteur à l’océan. Pour cheminer et trouver ma route. Faut-il parler de route ou de chemin ? Telle est la Question que se pose l’auteur de  » A la découverte du paysage vernaculaire. »

L’auteur préfère utiliser le mot chemin. « Way » signifie « chemin » mais aussi « direction » et par extension, « projet » et « façon ». Nous « avons notre manière à nous » (have our way), nous « faisons les choses d’une certaine façon » (do things in a way), nous « suivons un mode de vie » (a way of life). Les moyens divers et variés (ways and means) évoquent les ressources dont nous disposons pour arriver à nos fins et, de ce fait, il y a deux mots dans hodos qui en portent la marque : exodus (exode) qui désigne le départ et method (méthode) (avec hodos à l’intérieur de la deuxième syllabe), un moyen (way) d’action régulier ou systématique. « Way » en somme est le moyen par lequel une fin, un but, peuvent être atteints.

Which way to choose …

peintures sur papiers

Après une petite pause créative, la couleur nécessaire et ses amers revient vous faire rêver et vous raconter des histoires de mers en peinture où se mélange le figuratif, les photos et les couleurs des signaux.

Je vous laisse découvrir les phares et balises du raz de Sein, en Bretagne, Finistère au cap Sizun.

Cherchez l’intrus, un chien se balade métaphore des lieux dits en mer. Tout en bas une peinture du port de Pianottoli Caldarello en Corse du sud, où j’ai effectué une saison sous le soleil continu et la sécheresse avec des restrictions d’eau. Une heure le matin, une heure le soir, pas trop longtemps. Nous avons du faire venir de l’eau par conteneur car il n’y en avait plus du tout au village.

J’ai remarqué que les loueurs de voiliers, de catamaran, ceux qui vivent sur un voilier comme en camping, usent de l’eau comme d’un puits inépuisable. Mais ce n’est pas le cas. Ils venaient tous acheter de l’eau alors que les ordres étaient clairs : de l’eau que pour ceux qui dorment au port. Rationnement oblige.

Les plaisanciers n’étaient guère content. Comment peut-on en effet refuser de l’eau ? Comment refuser à ceux qui remplissent leur cuves toutes les semaines comme le gasoil.

Le puits est vide, le puits est vide, le puits est vide. Il y a certes eu des tempêtes et de fortes pluies dans le Nord de la Corse à Bastia. Dans le centre à Ajaccio, à Porto Vecchio dans le sud. Mais nous, en baie de Figari, étions comme sous un parapluie qui éloigne la pluie du port et du village. Nous avons eu 50°C, le vent chaud et brûlant de Libye, nous avons eu le sable brûlant, la mer chaude qui ne te rafraichit pas, la chaleur écrasante. Moi qui habituellement habite en Normandie sous un ciel gris et de la pluie continue, mettant un polaire en plein mois d’aout, le contraste fut assez nourrissant et saisissant.

Prenez soin de l’eau. Ne remplissez pas le seau d’eau jusqu’en haut pour laver au sol, ni l’évier pour faire votre vaisselle, ne rester pas une heure sous votre douche, ne laissez pas couler l’eau à l’infini pour faire la vaisselle. De toute petites choses pour l’économiser. Surtout en mer. Imaginez vous dans le Pacifique, vous devez tenir trois semaines au moins.

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peinture sur papier A4