Comment classer et définir les couleurs de la nature à la palette

D’après-vous quelles sont les couleurs qu’il y a le plus dans la nature ? Quelles sont les couleurs que tout le monde est sensé connaître, même s’il n’a pas forcément le vocabulaire pour les nommer ?   Avons-nous tous les mêmes couleurs face à nous sur le globe terrestre ou certains sont-ils favorisés  à voir des couleurs que d’autres ne voient pas ?

Je vous demande cela car d’un pays à l’autre, d’une époque à l’autre, d’une culture à l’autre, la couleur change de nom, de statut. Il y a les couleurs que l’on sait nommer et les couleurs pour lesquelles le vocabulaire est restreint. Nous connaissons les couleurs primaires et secondaires et leurs nuances selon nos conventions, mais tous les peuples et langues distinguent les couleurs différemment et peuvent n’en dénombrer que deux ou trois, ou une infinie de catégories pour une même couleur. Par exemple, les couleurs en Afrique sont définies par des qualités comme la sécheresse, l’humidité. Les Inuits ne possèdent que trois noms de couleurs et une multitude de noms pour les différentes sortes de blanc, alors que nous n’en possédons qu’une. Durant longtemps, disons de l’Antiquité à pas si loin de nos jours, il est difficile de différencier le vert du bleu. La Grèce antique ne possède pas de terme pour définir la couleur verte. En Bretagne par exemple l’on disait glas aussi bien pour le vert que pour le bleu. La mer pour les Romains est longtemps vue comme étant verte. La couleur bleu, en effet, n’a pas de racine latine mais provient de l’anglo-saxon blue et de l’arabe azur. D’autres couleurs possèdent un double nom pour en distinguer un pôle positif et un pôle négatif, par exemple la couleur noire possède cette double fonction entre Ater et Niger, Ater le noir inquiétant et Niger le noir majestueux, dénomination que l’on retrouve aussi dans l’ancien allemand avec Sfarte qui donnera schwarz, le noir inquiétant et black qu’emprunteront les anglais pour désigner une belle couleur noire.

La classification des couleurs est due aux résonnances sociales. Les classes sociales élevées vont bannir la polychromie acceptée par les classes moyennes. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Il fut un temps où l’inverse primait, le cardinal était vêtu de rouge et le peuple était habillé en noir. Le rouge était aussi la couleur de la mariée et sa plus belle robe, toutes classes sociales confondus, et non le blanc, symbole de pureté et de virginité.

C’est la religion qui classa les couleurs en couleurs pures et impures, en couleurs acceptables et en couleurs rejetables en moralisant les couleurs. Il faut bannir toute couleur qui se voit qui est voyante : le rouge, le jaune, le vert, le violet sont ainsi chassés de la palette au profit du blanc, du gris, du noir, du marron, du bleu qui sont des couleurs sobres, neutres, discrètes, car le chrétien ne doit pas attirer l’attention sur lui. Ces résonnances sociales ne sont pas totalement éloignées de nous. Regardez autour de vous, combien de vêtements rouge, jaune ou vert comptez-vous ? La majorité des personnes sont vêtus de marron, de gris, de noir, de blanc. Parfois de rouge pour faire la fête, ou s’il s’agit d’une soirée “grand genre”, une femme se vêtira de sa plus belle robe rouge.

Il est assez malvenu de s’habiller en arc en ciel pour se rendre au travail. Le smoking n’est pas en jaune. Si au moyen âge l’on s’habille en jaune, si dans certains pays comme l’Asie elle est la couleur des empereurs, la couleur jaune fut bannit du vêtement classique comme aujourd’hui. On la retrouve chez les ouvriers sur la route afin d’être vus, les gilets de secours dans les voitures, certains vêtements marins, je pense à des cirés et des vestes de quarts, le maillot jaune du tour de France. Les hippies dans les années 60 portent des couleurs vives et contrastés où le jaune ressort et fait ressortir les autres couleurs. La couleur jaune irrite de nombreuse personnes. Elle est salissante, ne convient padans une certaine société ou classe sociale.

Les couleurs ont aussi été rattachées à des pays. Au moment de la révolution française le bleu est la couleur de la France, le vert celle de l’Allemagne, le rouge celle des Anglais.

Une couleur est tour à tour religieuse, dynastique, monarchique, étatique, nationale, administrative au bon vouloir de sa majesté. Il y a une morale des couleurs. Elle fait aussi partie des révolutions et des découvertes techniques liées aux chimistes et aux physiciens qui vont permettre un changement de mentalité, un changement qui intervient par la peinture et par la société à partir du théologique et du militaire.

Longtemps la couleur bleue est rejetée. La couleur rouge est synonyme de bravoure, elle est la couleur du soldat, du guerrier. Encore aujourd’hui si l’on porte un vêtement rouge s’est pour montrer sa force et déstabiliser son interlocuteur qui peut aussi prendre le tissu rouge comme une provocation ou l’intimider. Avec les comptoirs caravaniers et maritimes la couleur bleu est importé des Indes et de Ceylan depuis l’antiquité. Sa fabrication en Europe, en France, en Allemagne, en Italie demeure un coût élevé. De plus la couleur bleu est celle des barbares associés au Goths, aux Vikings aux yeux bleu. Il est dévalorisant d’avoir les yeux bleu et d’être blond. C’est curieux d’ailleurs d’un côté la couleur rouge est celle du guerrier et le bleu celle du barbare, néanmoins l’on retrouve le « soldat » ou tout au moins l’homme au combat. L’attaquant et le défenseur. L’attaquant en bleu et le défenseur en rouge.

Ainsi, la couleur bleue est malvenue jusqu’à Christophe Colomb et la découverte du nouveau monde où l’on découvre l’indigotier, arbuste permettant d’obtenir des pigments bleus, que l’on importe à moindre coût avec l’esclavage. Du fait la couleur bleu va supplanter le rouge garance. Les teinturiers furieux vont alors exécuter la commande de vitraux associant le bleu au diable afin de l’évincer, et de la ramener à une couleur néfaste, condamnable pour une question d’économie marchande. Les teinturiers se livrent ainsi une guerre des couleurs. Ayant besoin d’une licence pour exercer leur métier et réaliser leurs couleurs, les teinturiers sont aussi éloignés géographiquement les uns des autres. Le teinturier ayant la licence pour le pigment rouge peut aussi teindre en jaune, le teinturier ayant la licence pour réaliser du bleu peut réaliser du vert. L’un et l’autre demeure dans leurs teintes respectives. Hors pour réaliser du vert il faut pouvoir mélanger du jaune avec du bleu. Ce qui demeure impossible puisque le teinturier qui a la licence pour teindre du bleu ne pourra pas obtenir la licence du rouge qui lui permettrait d’avoir des pigments jaune. Ce dernier ne peut alors réaliser qu’une seule couleur pendant que les teinturiers du rouge peuvent en réaliser une deuxième. Mais avec la réforme au 16e siècle le jaune et le rouge vont devenir des couleurs interdites. La réforme va codifier les palettes en condamnant les palettes vives. Le motif : Adam et Eve. A la base le couple était nu. Ayant choisie de vivre indépendamment de Dieu, Adam et Eve sont chassés du jardin d’Eden et doivent se vêtir. On n’a aucune information sur les couleurs qu’ils avaient à l’origine. On peut facilement imaginer qu’ils avaient la couleur de la laine des moutons et leur laisser le temps de trouver le moyen de tisser, de créer une étoffe et une teinture. On peut facilement imaginer qu’ils étaient habillés en rouge puisque rouge est la première couleur que l’on sait fabriquer. D’ailleurs la racine de « couleur » est « Rouge » de coloratus, colorado. Dans les passages de l’Exode l’on retrouve maintes fois le fil bleu et le tissu pourpre rougeâtre et l’étoffe écarlate de cochenille. Rouge est aussi un terme qui désigne l’homme adam ou adom signifie rouge terre, roux. Ed qui donna ad est la racine de la terre et dom la couleur rouge.  Si rouge n’est peut-être pas la couleur que l’on voit en masse dans la nature elle a su en tout cas devenir la première couleur.

La définition d’une couleur varie donc en fonction des cultures, des traditions héritées, de la société, du symbolisme qui leur est associés et qui change selon les siècles, la mode. Je vous parlais des deux groupes de couleurs froides et chaudes. Le bleu est aujourd’hui associé au froid, on peut le voir sur nos robinetteries. Mais au temps de Goethe c’est le jaune qui est froid et le bleu qui est classé dans le groupe du chaud. De plus on oppose le rouge au bleu, on associe le vert au rouge ou au magenta alors qu’en vous demandant quelles sont les couleurs que l’on retrouve dans la nature, le plus souvent le bleu du ciel est en contraste avec le vert des forêts, des prairies ou le blanc des glaciers. Les contrastes dans la nature ne sont pas ceux de la palette décidés par l’homme en fonction de ses découvertes scientifiques.

En contemplant la nature autour de nous, l’on peut voir que, les couleurs que tout le monde voit sont les bleues, les verts, les blancs des nuages, puis les couleurs terres des chemins, les ocres des sables, les gris des pierres, le marron de la nature issu du vert en changeant de saison, observez les fougères. Les petites touches de jaunes, de rouges, de violets, d’oranges saupoudrent ainsi la nature de leurs paillettes égayant l’espace autour de nous. Il est intéressant de constater que les deux couleurs qui sont en masse le bleu et le vert ait été le rejet des cultures, l’objet de superstitions. Je vous expliquerez une prochaine fois cette superstition autour du vert.

J’oubliais une couleur dans la nature, le noir de la nuit, égayée par le blanc de la lune et des étoiles.

 

 

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