Balise erratique: une peinture sur voile de spinnaker
couleur: danger isolé
toponyme : Basse Jaune
erratique : qui n’a aucune régularité / qui se déplace d’un point à l’autre
Balise erratique est issu de mon exposition éphémère de “balises itinérantes parcours non identifié” que j’avais exposé au port d’Omonville-La-Rogue le temps d’une journée.
Suite à cette démarche j’ai décidé d’emmener une seule peinture-balise avec moi en randonnée et de la photographier en chemin le long des criques et des ports sur mon passage et de créer un lieu-dit erratique.
Je cherche ainsi à créer un jeu entre l’espace et l’œuvre en réinterrogeant le lieu de l’œuvre, le lieu de la peinture et le passage ou la permutation entre le signe nautique et le signe plastique.
En mer la balise capte mon attention de plasticienne par son graphisme, son côté minimal dans sa structure, son architecture et tous ses éléments plastiques qui en font aussi un objet d’art à mes yeux, d’où mon appropriation plastique. Cette appropriation du signe maritime me fait créer une permutation de l’objet maritime devenu peinture, devenant à son tour balise dans un port, sur une jetée, dans des criques, sur le rivage, sur les quais…
Des lieux, comme la mer d’Iroise (Brest) possèdent une pléthore de balises afin d’indiquer les nombreux dangers côtiers qui longent la côte. D’autres endroits n’ont qu’une balise posée ici ou là. Sur la carte marine on a la sensation que les balises sont assez proches les unes des autres, alors qu’en mer elles sont assez espacées les unes par rapport aux autres. On les retrouvent parsemés dans l’océan sur des distances différentes, sans régularité, soit de manière erratique. Erratique emporte aussi l’idée de l’errance c’est-à-dire le déplacement d’un même objet d’un point à l’autre. Un OFNI ((objet flottant non identifié) est erratique dans le sens où il est emporté par les flots d’un point géographique à l’autre. La balise est erratique parce qu’on la rencontre à un endroit puis il n’y a plus de balises sur une distance inégale de quelques milles jusqu’à la rencontre d’une autre balise ailleurs. Tout écueil n’est pas balisé.
Mon itinéraire erratique déplace ainsi la balise d’un point à l’autre sur des distances inégales.
La balise contient un double repère et un double message. D’abord celui de la couleur qui intéresse le marin puisqu’elle délivre sa fonction (danger isolé, cardinales, eaux saines, bâbord, tribord, “marque spéciale” – cette dernière n’est pas vraiment une balise pour la navigation-). La couleur est le repère d’un danger précis, d’une route à suivre pour éviter un écueil, entrer et sortir du port. Elle indique un passage, un alignement.
Le toponyme intervient dans un second temps étant moins important à la navigation. Il permet de nommer la balise, d’identifier le lieu, de distinguer une balise d’une autre balise de même couleur dans un même lieu, car l’on peut trouver deux balises identiques par leur couleur et leur toponyme en deux lieux distincts.
Rappelant la particularité topographique et historique de l’espace, la balise devient un lieu-dit maritime, un lieu-dit en mer qui poétise l’espace par sa couleur et son toponyme.
Basse Jaune, est une balise noire et rouge correspondant au danger isolé situé face à la pointe du Van vers l’entrée du raz de Sein en venant de la baie de Douarnenez. En réinterprétant Basse Jaune je la déracine de son objet premier pour la réintroduire dans son milieu naturel en jouant sur l’errance du signe qui se déplace en poétisant l’espace.
Quand on entend le mot basse l’on pense peut-être d’abord à la basse en musique, à une voix basse ou grave. Faut-il entendre une octave basse de la couleur jaune?
Basse en mer signifie un fond rocheux à faible profondeur. Basse Jaune interroge ainsi le lieu rocheux. Mais peut-être est-ce tout simplement l’ineffable du lieu. Un lieu silencieux où le processus expliqué ôterait le moyen d’entrer dans l’œuvre et bloquerait l’imaginaire poétique du spect-acteur.
En entrant dans le mot et la vibration de la couleur nous n’avons plus besoin de connaître le lieu d’origine du toponyme qui s’enracine dans une autre chorographie (du grec ancien chôra territoire).