Le spinnaker c’est un peu ma voile favorite. Sur le plan d’eau au vent arrière ou aux allures devant ou derrière nous, nous pouvons contempler toutes les couleurs, des jaunes, des rouges, des bleus, des voiles au design abstrait, des verts se suivent. La voile est gonflée et demande un peu de concentration pour ne pas partir au lof ou à l’abatée. Pas très compliqué, il faut emmener le bateau là où il penche. Il gîte, on tire la barre vers soi, il contre-gîte on pousse la barre vers la Grand voile. Attention barre à roue comme en voiture !
Mais avant de parler réglages, intéressons-nous à son origine.
Nous sommes le 5 juin 1865 et William Gordon se prépare pour la régate. Son foc ne lui convient plus et il décide de le tailler en foc ballon. Sous les yeux perplexe de l’équipage l’un d’eux c’est écrié » it will maker her spin », « il va le faire tourner comme une toupie ». De là la voile c’est appelée le spin maker. Avec le temps le M de maker s’est fondu en un deuxième N et nous avons eu notre Spinnaker.
D’autres avancent que le mot spinnaker viendrait d’une déformation du nom du premier voilier à avoir hissé la voile: le Sphinxs ou Sphings. On aurait pu aussi dire le swing maker. Pour ma part l’hypothèse du Spin maker me semble plus logique car le spinnaker est bien un faiseur de tours.
Le vent arrière est l’allure unique durant de longs siècles. Les navires selon le gréement et leur origine ont des voiles carrées et se sont les arabes qui maîtrisent les premiers l’allure portante. Les Grecs se servaient d’une petite voile carrée hissée sur leur mât de beaupré qu’ils nommaient l’artimon de timon la barre. Pour équilibrer le bateau, les Byzantins ont eu l’idée de tailler une deuxième voile latine qu’ils ont installée devant la voile principale. C’est alors que les Hollandais entrent en scène. Nous sommes au XVe siècle et pour atteindre la mer, les Hollandais doivent remonter de long canaux. Afin d’y faire du près, de remonter et de virer de bord au vent, ils vont inventer une voile triangulaire le fok qui équipera leurs navires de commerces et les navires de la Compagnie des Indes en 1609. En 1596 le foc permit aux explorateurs hollandais à la recherche du passage du nord est de se sortir des glaces. Pris au piège par la banquise les marins partirent à bord de deux sloep, une chaloupe en flamand. L’une d’elle était gréée de deux mâts et d’une voile carrée, l’autre avait hissé la Grand-Voile et le foc et c’est cette dernière embarcation, le sloep ou sloop qui se sorti de l’embarras.
L’utilité du foc ne se fit plus attendre et les navires se virent avec cinq focs. Trois nous sont parvenus le foc, la trinquette et le foc volant encore appelé le clinfoc. Peu à peu les hollandais ont alors inventé la plaisance et l’idée de s’amuser sur l’eau. Pas étonnant que les premières marines virent le jours sur les quais d’Amsterdam, même si quelques galères apparaissent dans les peintures italiennes que l’on peut voir dans les musées maritimes de Venise et de Gênes per exemple.
En France le spinnaker s’appelle d’abord la « voile de vent arrière » et c’est le peintre Gustave Caillebotte qui s’en fabrique une pour ses régates. Le spi en France ne s’imposera qu’en 1880. En 1872 lorsque Monet peint les « régates d’Argenteuil » les voiliers sont équipés de gréements longitudinaux: grand-voile et foc et voile carrée ou hunier au vent arrière. Les focs ballons sont alors deux fois plus long que les voiliers. Voulant gagner en finesse contre Lison, un clipper d’Argenteuil, Gustave Caillebotte équipe son Condor d’une voile de soie quatre fois moins lourde qu’une voile coton. Il remporte ainsi les régates de 1880 à 1884. En 1891 il conçoit les plans d’un nouveau voilier avec un mât d’une seule pièce pour y hisser un spi mais il démâta… manque de bastaques dont sont équipés les racers anglais et américains.
Au fil du temps le spi se creusa de plus en plus et finit par s’appeler le spi parachute dont les bulles déstabilisent le voilier. L’on voit naître le spi thuyère à troues, le star-cut dessiné par Ken Rose et Bruce Banks, qui permettront le dessin du triradial, du Tallboy, du big boy ou blooper.
L’on hisse deux focs ballons sur les deux amures afin de récupérer le vent qui s’échappe par la grand voile.
Dans les années 1950 l’architecte du Vaurien, Jean-Jacques Huberlot, crée une voile en coupe chevron dont les laizes partent en obliques à partir du point d’écoute pour se rejoindre le long de l’axe de symétrie. Puis il y eu la coupe sphérique avec des laizes perpendiculaires à la couture médiane pour les dériveurs et les petits croiseurs. En 1952 Hood invente une voile aux laizes perpendiculaires à chute compensée en allongeant le tissu. En 1980 nait le premier spi asymétrique.
Toutes ces voiles ont leur coupes taillées dans différentes laizes que l’on assemble. Elles sont tout un art par leur dessin géométrique qui les compose: coupe horizontale ou cross-cut, coupe bi radiale, coupe tri radiale, coupe iso cut…
Au temps des voiles carrées les voiles étaient cousues dans du lin, fibre résistante à la moisissure et qui conserve une certaine souplesse une fois humide. Par contre elle se déforme et est peu aérodynamique. Apparaissent alors les voiles en coton. Tissé à la machine le coton permet de réaliser de plus grandes surfaces. Avec l’apparition du spinnaker l’on voit apparaitre d’autres fibres plus légères et plus résistantes. Après la Soie de Gustave Caillebotte l’on voit apparaitre les voiles en polyester, en rayonne, en Nylon fibre inventée en 1930 par des chercheurs de New York et de Londres dont on retrouve les premières syllabes des deux villes pour former le nom du tissu. Puis l’on inventera des voiles en Térylène (Dacron, aux Etats-Unis et Tergal en France) suivies par les voiles composites en Kevlar, carbone, PBO, Mylar. La voile moulée fera-t-elle disparaître la voile cousue? Ce serait bien dommage de voir disparaître les magnifiques lignes des coutures des points en zigzags, le spi deviendra-t-il une voile de vieux gréements des temps modernes?