Le vent arrière est l’allure unique durant de longs siècles. Navigant sous voile carrée, réduite à un triangle, ce sont les arabes qui maîtrisèrent le largue, en inventant le gréement latin adapté pour cette allure.
Il faudra attendre le XVe siècle pour que les Hollandais, grands concepteurs de navires, transforment la voile latine en grand-voile aurique. Un siècle plus tard, ces derniers imaginèrent aussi une voile d’avant triangulaire qu’ils nommèrent le « fok », ce qui permit, enfin, de remonter et de virer face au vent, sur les fleuves, les canaux et en mer. Trouver le bon équilibre sous voile permettant de manœuvrer est une recherche constante. Les Grecs se servaient d’une petite voile carrée sur un mât de beaupré qu’ils appelaient l’artémon, l’ancêtre du timon, la barre. Plus tard, les Byzantins installèrent une deuxième voile latine devant la principale afin d’équilibrer le bateau, et par conséquent un deuxième mât. C’est alors que les Hollande entre en scène avec le foc. En 1596, cette voile permit à ses explorateurs à la recherche du passage du Nord-Est de se sortir des glaces. Prisonniers de la banquise, les marins partirent à bord de deux chaloupes (sloep en flamand), dont l’une était gréée de deux mâts avec voiles carrées et l’autre d’une grand-voile et d’un foc. Ce dernier gréement, connu sous le nom de sloep ou sloop sortit grandi de cette expédition polaire. Le foc se mit alors à équiper les navires de commerces et les navires de la Compagnie des Indes en 1609. Son efficacité s’imposa alors sur tous les navires où l’on voyait jusqu’à cinq focs à l’avant. Trois survivront : le foc, la trinquette, et le foc volant, aussi appelé le clinfoc. Peu à peu la maniabilité des bateaux transforma les embarcations en voiliers de plaisir dont l’idée même de s’amuser sur l’eau est hollandaise.
Au fil du temps, les plans de voilures finirent par s’étaler de manière extraordinaire. Dès le début du XIXe siècle, les voiliers de régates possédèrent des focs deux fois plus longs que la coque des voiliers. Ainsi, le voilier du peintre Gustave Caillebotte mesurait 8,20 mètres pour un foc de 16,67 mètres.
Lorsque Monet peignit les Régates à Argenteuil, en 1872, les navires étaient équipés de gréements longitudinaux : grand-voile et foc, et les marins hissaient une voile carrée ou un hunier au vent arrière. En France, le spinnaker ne s’imposa qu’au début des années 1880 et s’appela le vent arrière. C’est le peintre Gustave Caillebotte qui en équipa son Condor pour une régate contre Lison, le fameux clipper d’Argenteuil, équipé d’une voile carrée. Cherchant une toile légère, le peintre se confectionna une voile en soie, quatre fois moins lourde qu’une voile en coton. Grâce à ce tissu léger, Caillebotte domina les régates de 1880 à 1884. A la recherche du meilleur réglage, il conçut, en 1891, un bateau spécifique pour hisser en tête un spi plus grand que les autres, avec un mât d’une seule pièce, créant de la sorte le premier gréement bermudien français. Mais à cause d’une erreur de conception son spinnaker, ou vent-arrière, démâta le voilier. Il lui manquait une tête de mât étayée par des bastaques comme les racers anglais ou américains. En passant du capelage au sommet du gréement le spi acquiert une surface et une influence importante ce qui en fait la voile indispensable pour les régates. Cependant le gréement étant plus large que haut il fallait alors élargir le spi en lui donnant des épaules. Au fil des ans la voile devint tellement grande et creuse qu’on finit par l’appeler le spi parachute. On parle alors de bulle. Mais les bulles se baladant et causant une augmentation du roulis, on perce des trous dans la voile pour permettre un écoulement des fluides et tenter de stabiliser le bateau. Cette tentative échouant, on s’inspira par la suite du parachute à tuyère en appliquant le même principe au spinnaker, ce qui stabilisa la voile.
(extrait de ma thèse Amers, chemin maritime et langage pictural)