Le choix du tissu, du lin au nylon

Au temps des voiles carrées, une voile était de pur lin. Cette voile était résistante à la moisissure et conservait une certaine souplesse une fois humide. Mais elle se déformait rapidement et était peu aérodynamique. Lorsque la vitesse devint la préoccupation majeure, le maître voilier se tourna alors vers le coton. Ce tissu très serré, cousu mécaniquement, au contraire du lin tissé à la main, permettait la réalisation de voiles de grandes surfaces. De plus, cette matière, bien qu’étant moins résistante aux moisissures et plus raide humide,

permettait à la voile de garder une meilleure forme au vent. On pouvait alors envisager les voiles comme sources de puissance. Le coton fut la toile unique des voiles de yacht, dont la meilleure qualité provenait d’Egypte. D’abord utilisé au portant pour les focs ballons, il suscita, dès 1868, la création des premiers spinnakers, taillés dans du coton léger. Des essais ont, par la suite, été réalisés avec de la soie, du polyester et de la rayonne, mais c’est le nylon qui l’emporta. Les autres voiles furent ensuite taillées dans du Térylène, (Dacron aux Etats-Unis, Tergal en France), avant de s’imposer en voiles composites : Kevlar, carbone, PBO, Mylar.

Le nylon est un terme générique pour désigner des fibres en plastique dérivées du carbone. Il fut découvert dans les années 1930 par un groupe de chercheurs de Londres et de New York, villes qui lui donnèrent son nom en utilisant les syllabes NY et LON. Pendant cinquante ans, la voile demeura taillée comme un génois léger. Sa symétrie apparût en 1930. L’un des pionniers est Sven Salen, qui l’utilisa en 1927 sur son 6 mètres « MAYBE ». C’est dans son atelier new-yorkais de Ratsey and Lapthorn qu’il tailla les voiles en deux moitiés, jointes par une couture centrale. Le Nylon implanta ainsi ses couleurs et si l’image du voilier au près dominait, c’était désormais les images des voiliers au portant qui s’imposaient.

Cette matière élastique composant le spinnaker réagit au moindre changement hydrographique. En effet, cette voile se tend et se plisse en fonction du taux d’humidité dans l’air, ou dans une salle. Lorsque j’expose mes peintures sur châssis, le spinnaker change d’allure selon le temps, se ridant ou se tendant en fonction de l’air, créant ainsi une analogie avec le milieu maritime toujours en mouvement.

Pour mes peintures, j’utilise essentiellement de la voile de spinnaker, pour sa finesse, sa souplesse, sa légèreté, sa trame quadrillée, ses couleurs, ses rythmes internes qui se créent au travers des coutures réalisées à l’assemblage des différentes laizes. Les parties de cette voile qui me sont les plus intéressantes sont celles où il y a le plus de coutures. Elles apparaissent essentiellement aux renforts des points de drisses et des points d’écoutes de la voile.

Le corps central est divisé en plusieurs morceaux reliés par quelques coutures qui se raréfient vers le centre, pour s’accentuer vers les extrémités. Il existe différentes conceptions de spinnaker, qui ont chacune leur propre rythme créé par la couture. Ainsi Ken Rose et Bruce Banks mirent au point une voile dont les coutures dessinaient une sorte d’étoile, le Starcut, qui généra une grande descendance, dont le triradial, une forme allongée du Starcut , puis le Tallboy destiné à créer un effet de fente à l’intérieur de la voile, ainsi que le big boy  ou blooper , sorte de foc ballon en forme de « S » qui se porte sur l’amure opposée du spinnaker afin de récupérer le vent s’échappant de la grand-voile. Par la suite, il y eut la création des spinnakers sphériques, radial, radialhead, flankers et spankers, définissant un type de forme et de coupe, toujours en nylon, sauf pour des très grands spinnakers de brise pour lesquels les voiliers utilisent du polyester. Dans les années 1950, il y eut la coupe en chevron de Jean-Jacques Huberlot, l’architecte du Corsaire et du Vaurien. Par sa coupe en chevron, les laizes partaient en oblique du point d’écoute pour se rejoindre le long de l’axe de symétrie. Ces laizes étaient coupées de telle façon, que les côtés se refermaient avec tout le creux au centre. Il y eut aussi la coupe sphérique avec des laizes perpendiculaires à la couture médiane, pour les dériveurs et les petits croiseurs. En 1952, Hood inventa les laizes perpendiculaires à la chute compensée par un allongement du tissu. Il y ajouta des points à la base des chevrons, et supprima la couture médiane sur les laizes inférieures. Dans les années 1980 on assiste à l’apparition du spinnaker asymétrique, cousin du foc ballon, qui permet des empannages sous spinnaker en laissant la voile filer en avant de l’étai, sans l’usage du tangon.

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